vendredi 10 janvier 2014

Bye bye Jaipur

Petit-dej en écriture
Mon séjour à Jaipur se termine, et je suis déjà nostalgique de devoir quitter l’endroit et la famille de Kedar qui m’a si bien accueillie. Je me sens un peu comme chez moi ici et j’ai acquis des repères qui ont rendu mon quotidien confortable tout en étant chaque jour dépaysant.
Arriver dans cette famille et passer 10 jours avec eux a été une façon parfaite de découvrir l’Inde et ses coutumes en douceurs, sans ressentir à aucun moment ce fameux « choc culturel » qui sévit parfois sur les touristes français et qui est plus largement connu sous le nom « syndrome de l’Inde ». Je me sens maintenant assez armée pour partir seule vers Pondichéry en m’arrêtant par Udaipur et Ahmedabad.


Heena et Kedar en cuisine

Des clients de Voyage in India invités à un repas en famille

La famille de Kedar presque au complet

Druhv et son grand-père


Cette première étape au Rajasthan, les rencontres que j’ai faites et les discussions que j’ai eues me donnent une première idée sur le fonctionnement de la société indienne.

Avec Heena et Rajnee, la sœur de Kedar, nous avons discuté un petit moment sur la condition des femmes en Inde. Si la situation progresse sans conteste pour elles, la société n’en demeure pas moins très inégalitaire. L’accès à l’éducation est un premier pas pour l’émancipation de la gente féminine, qu’on ne prenait pas la peine d’envoyer à l’école il y a peu encore, mais malgré cela la situation de chaque femme est un peu une partie de loto qui se joue lors du mariage. Une femme éduquée qui a suivi des études peut se retrouver cantonnée à la maison à élever ses enfants, à tenir le foyer et à nourrir toute sa famille et sa belle-famille… si cette dernière l’exige. Or avec le système des mariages arrangés il est presque impossible de savoir à l’avance le sort qui leur est réservé. Dans les villes les plus occidentalisées, ou pour certaines femmes plus déterminées comme Heena, il est possible de s’affranchir du poids de cette tradition et faire un mariage d’amour. Mais dans son cas ce fut au prix de sa propre famille : son mari étant d’une caste inférieure, ses parents l’ont reniée après son mariage. La naissance de leur fils n’y aura rien fait. Elle ne regrette pas sa décision car le respect et l’attention que lui vouent son mari et sa belle-famille comblent selon elle le fait d’avoir perdu la sienne.

Druhv et Heena, dans le Chowk

Le parc, en face de chez Jai
Je suis également allée chez Jai, le frère aîné de Kedar, qui vit dans un quartier résidentiel de Jaipur avec sa femme et ses deux enfants, pour qu’il me parle du fonctionnent des systèmes de santé et scolaire. J’apprends donc que dans les deux cas, le gouvernement assure un accès gratuit. Dans le domaine de la santé, il s’agit des hôpitaux. Après s’être acquitté des frais de dossier de 20 roupies (22 centimes), il est possible de bénéficier des soins, consultations et de l’accès aux médicaments dans un hôpital privé. Mais… mieux vaut ne pas être trop regardant sur les conditions d’hygiène ! Pour illustrer ses propos, il m’emmène à l’hôpital proche de chez lui. Nous serons reçus par un médecin au look de bandit mafieux des années 80, qui me fait visiter l’hôpital et me fait assister à 2 consultations. Je n’oserai même pas prendre de photos tellement les conditions de travail et d’hygiène me semblent archaïques et déplorables. La consultation consiste en un passage rapide devant le médecin. Dans une petite pièce sombre et sale, le médecin est assis devant un bureau, avec comme seul matériel des feuilles à ordonnance et un stylo. Le patient s’assoit sur un petit tabouret à côté de lui et lui explique son cas, avant que le médecin ne le laisse partir avec une ordonnance.
La salle d'opération
Jai m’explique que le salaire des médecins est le même dans les hôpitaux publics et privés. Je lui demande alors si tous les médecins du public sont des philanthropes. En l’occurrence, pas vraiment… Les horaires de consultation dans les hôpitaux publics sont assez restreints. De fait, les médecins du public ont tout le temps d’ouvrir leur cabinet privé en parallèle de leurs fonctions à l’hôpital, et doublent ainsi leur salaire…

En termes d’éducation, c’est un peu la même chose. Certes, les enfants peuvent tous être scolarisés dans une école publique gratuitement, mais l’école publique est loin d’offrir les conditions du privé, ce qui crée dès le plus jeune âge de grosses inégalités entre enfants, notamment pour l’accès aux études supérieures. Les effectifs des classes doublent dans le public : environ 60 élèves par classe contre 30 dans le privé. L’enseignement de l’anglais (pourtant langue officielle dans le pays) ne se fait qu’à la marge dans les écoles publiques alors qu’il est systématique dans beaucoup d’écoles privées, auquel s’ajoute souvent l’obligation d’apprendre une langue étrangère dès le collège. Enfin, les écoles privées proposent généralement un panel bien plus large de matières enseignées ainsi que d’activités para-scolaires : musique, sport, art, etc. ce qui n’est pas le cas dans le public.

Comme en France, les fonctionnaires en Inde ont la réputation de ne pas se tuer la tâche au travail. Je prenais jusqu’ici ces considérations avec réserve, car je suis bien placée pour savoir qu’en France ces généralités portent préjudices à de nombreux travailleurs. Mais je m’aperçois effectivement que les conditions de travail sont assez laxistes dans l’éducation et la santé… comme dans le tourisme. Je suis allée faire une visite à l’office de tourisme de Jaipur, où j’ai passé une heure à discuter avec l’un de leurs agents. L’office est en fait une antenne de « Rajasthan Tourism » (l’équivalent de leur Comité Régional de Tourisme). Les missions sont sensiblement les mêmes que celles d’un office de tourisme en France : accueil du public, réalisation des documents d’accueil et d’information, organisation d’animations (mais tout cela sans ordinateur…. !), agrément des chambres d’hôtes,...
Je pose des questions sur leur organisation, n’arrivant pas à comprendre comment ils arrivent à gérer tout cela avec leur effectif réduit et le peu de moyens technologiques. J’apprends alors que pour organiser les événements majeurs de cette ville de 2 millions d’habitants, 3 à 6 semaines leur suffisent. Très détendu, l’agent m’apprend qu’il n’a pas encore choisi ses artistes pour le festival des cerfs-volants qui a lieu… la semaine suivante ! Ces indiens ont-ils un savoir-faire exceptionnel qui nous échappe ou… les fonctionnaires en Inde font-ils le strict minimum de ce qui doit être fait ? J’apprendrai par la suite qu’il s’agit plutôt de la deuxième hypothèse… mais je n’ai pas assisté au festival pour en juger par moi-même ! Par contre en termes de politique d’accueil et de communication… je pourrais effectivement leur sortir une longue liste d’idées à réaliser….

Mais bon, ne soyons pas si hâtifs dans le jugement. Du côté français, il y a beaucoup à dire aussi. Ravi, un professeur de français de l’université de Jaipur, m’apprend comment les histoires de réseautage dans les milieux consulaires ont fait couler l’Alliance Française de Jaipur. Je n’entrerai pas dans les détails de ces affaires, mais j’ai bien compris que le milieu des ambassades n’est pas toujours très propre.  

1 commentaire:

  1. C'est tout à fait exact et le sort des femmes dans ce pays n'est pas très enviable. Il y a un énorme travail à faire pour bousculer les traditions, par ailleurs la violence et la corruption explose dans ce pays en pleine mutation.
    Amélie je te lis avec plaisir.

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