D’Ahmenabad, je récupère l’avion
pour Chennai, afin de me rendre à Pondichéry. Arrivée bien en avance à
l’aéroport, j’attends tranquillement mon vol dans la salle d’embarcation où tous
les panneaux sont en hindi. Je ne m’inquiète pas car des hommes viennent
régulièrement m’informer des vols qui partent, mais l’heure passe et j’entends
tout à coup mon nom, prononcé dans un anglais indien : mon embarcation se
faisait au 1er étage… Evidemment il ne manquait plus que moi ! A
peine je m’installe que l’avion démarre : nous partons avec 10 minutes
d’avance ! Je n’ai encore jamais vu ça et je m’attendais encore moins à
voir cela en Inde, dans ce pays où la notion du temps est très approximative et
où être en retard ne signifie pas vraiment être en retard.
En quittant l’avion, je fais la
connaissance d’un français qui se rend lui aussi à Pondichéry. Nous partageons
donc un rickshaw qui nous emmène sans tarder au premier arrêt de bus, où il
nous jette littéralement nous et nos bagages dans le véhicule qui démarre à
peine nous avons mis les deux pieds sur la première marche. Le bus est rempli,
mais on nous trouve quand-même une petite place au fond du bus. Rien à voir
avec ma première expérience sur le trajet Delhi-Jaipur. Cette fois, le bus est
tout à fait à l’image de la représentation que je m’en faisais : rempli,
ou les gens sont assis à 3 sur des places pour 2 alors que d’autres sont debout
dans le couloir, toutes les fenêtres sont ouvertes, et les portes ne ferment
pas. Le bus longe la mer du Nord au Sud, la température a grimpé de 10° :
je me sens en vacances !
Un touchant message de bienvenue |
A Pondichéry, un autre rickshaw
me conduit jusqu’à l’association. Je suis chaleureusement accueillie par
Bernadette, la présidente, et Praveena, l’unique salariée, indienne originaire
de Pondichéry. Je suis accueillie par un joli dessin en sable coloré qui affiche
« Welcome », réalisé par Praveena pour mon arrivée. Praveena et
Bernadette me font découvrir les locaux de l’association : une grande
salle, qui sert aux réunions et autres moments de vie de l’association, le
bureau de Praveena, ma chambre, une salle de bains et une cuisine. Je prends
rapidement possession des lieux. Bernadette loue l’appartement du dessus, où
elle vient habiter 5 mois chaque année afin de pouvoir faire marcher comme il
le faut l’association. Elle possède le plus bel appartement que je n’ai jamais
vu en Inde : très propre et décoré avec beaucoup de goût. Le soir même, je
monte dîner chez elle, ce qui nous permet de faire plus ample connaissance.
Ma chambre |
Je suis tout de suite fascinée
par son personnage. A 70 ans, Bernadette en paraît 10 de moins physiquement et
paraît plus jeune encore par son état d’esprit. Très moderne dans sa pensée
comme dans son mode de vie (elle gère avec brillo les nouvelles
technologies !), je la questionne sur l’histoire de l’association et de
son engagement associatif. Elle me raconte alors son parcours, le temps passé à
aider bénévolement des gens dans le besoin dans divers pays et sur plusieurs
continents, en parallèle de sa profession chronophage de styliste. Cette femme
de conviction a toujours investi son énergie et son argent en faveur de
l’amélioration des conditions des hommes et des femmes dans le besoin, et
particulièrement des femmes. Elle attache une attention toute particulière à
l’émancipation de la femme et à la reconnaissance de ses droits et de sa dignité.
C’est cette motivation
particulière qui est à l’origine de la création de Pondichéry Partages.
L’association a été créée pour permettre à des familles sans père de pouvoir subvenir
aux frais de scolarité des enfants. Par un soutien psychologique et financier,
l’association aide ces femmes seules à acquérir l’autonomie nécessaire pour
pouvoir s’en sortir et gagner en dignité, tant dans leurs conditions de vie que
concernant leur place dans la société. Actuellement en Inde, il n’est
généralement pas accepté qu’une femme veuve ou divorcée se remarie et refasse
sa vie. Les cas de meurtres déguisés d’une femme par sa deuxième belle-famille
si celle-ci désapprouve le remariage sont plus fréquents qu’on ne pourrait
l’imaginer.
Au sein de Pondichéry Partages, les
familles indiennes sont parrainées par des familles françaises. Le parrainage
peut être individuel : la famille en France verse chaque mois une somme
d’argent qui sert directement à subvenir aux frais de scolarité des enfants
indiens ; ou collectif : dons qui aident au fonctionnement global de
l’association (surplus des coûts de scolarité, salaire de l’employée
administrative, activités organisées pour les enfants, loyer des locaux,…). L’association
a démarré avec quelques familles jusqu’à grossir aujourd’hui à 43 familles.
Bernadette est régulièrement
sollicitée par de nouvelles familles mais étudie scrupuleusement leur dossier
avant de les faire rentrer dans l’association et de leur chercher des parrains
en France, car elle tient à s’assurer que la mère est volontaire et que le
parrainage « fonctionnera » : l’idée n’est pas d’assister la
famille, mais bel et bien de lui donner les moyens pour lui permettre de s’en
sortir elle-même. Grâce à l’association, la grande majorité réussit bien à
l’école et tous veulent poursuivre leurs études pour accéder à des métiers
comme ingénieur ou médecin. Les familles ont pour beaucoup été relogées, elles
ont quitté leurs cabanes précaires pour des habitats décents. Certaines femmes
ont réussi à se détacher de la pression psychologique de leur mari alcoolique,
ou à retrouver un travail pour subvenir aux besoins du foyer.
Le lendemain de mon arrivée, un
parrain de l’association, Christian, et une amie à lui, Jocelyne, sont venus
pour 10 jours chez Bernadette. J’ai donc passé une grande partie de mon séjour
à Pondichéry en leur compagnie. Nous sommes arrivés au début des fêtes de
« Pongal », l’équivalent de notre nouvelle année, qui fête à la fois
les moissons et l’arrivée de l’été. Les enfants, en vacances, venaient donc
quotidiennement dans les locaux de l’association pour se retrouver entre eux,
pour danser et pour que je leur donne des cours de français. Ils sont tous très
attachants, très vifs et motivés, ce qui est extrêmement touchant lorsque l’on
connaît leur situation familiale et leurs conditions de vie. Le plus âgé de
tous les enfants, Vicky, a fini le lycée et commencé à apprendre le français
cette année, par les cours du soir de l’Alliance Française. Il n’a débuté que
depuis 4 mois mais comprend déjà beaucoup de choses et tient à essayer de
parler ma langue autant que possible.
Avec Christian, Jocelyne et
Bernadette, nous sommes allés faire la traditionnelle visite à la famille, qui a lieu chaque fois qu’un parrain se rend sur place. Après avoir emmené les
petites filleules de Christian et leur grand-mère se promener au bord de la mer
et manger une glace, ce qu’elles n’ont jamais l’occasion de faire, nous sommes
allés au supermarché leur acheter un équipement basique mais qu’elles n’avaient
pourtant pas… des chaussures ! Les petites ont découvert pour la première
fois de leur vie les escalators. D’abord effrayées, elles ont finalement pris
goût au système et ne voulaient plus s’arrêter de monter et descendre. Les
petites bien chaussées avec des escarpins à paillettes, nous les avons
raccompagnées pour visiter de leur maison et …quelle surprise ! Ces enfants
bien tenues, toutes jolies, grandissent entre 4 planches de bois sous un toit
de paille rafistolé aux sacs plastiques et dorment sur des tapis posés à même la
terre la nuit tombée. Priorité pour cette famille récemment accueillie dans
l’association : un nouveau logement !
Christian et ses filleules |
Ce dimanche, toutes les familles
étaient conviées à l’association pour fêter tous ensemble Pongal, la
venue des parrains et la mienne. Une vingtaine de familles étaient présentes au
rendez-vous. Après avoir donné un cours de français aux plus grands le matin,
je leur ai appris à faire des crêpes. Nous avons fait la pâte ensemble puis je leur
ai expliqué la technique de fabrication : au bout de 10 minutes à peine
j’étais priée de quitter la cuisine. Les enfants ont géré tous seuls la
confection d’une centaine de crêpes ! Après la traditionnelle réunion
d’information et de coordination avec les mères de familles, les enfants se
sont livrés à un spectacle de danse pour nous. Pendant une heure, ils ont
enchaîné tour à tour les chorégraphies, les plus petits dansent sur des
musiques traditionnelles tandis que les grands préfèrent les chansons tamoules
des films de Bollywood.
Cette journée festive a été
particulièrement émouvante : j’ai été touchée par les sourires des femmes,
la joie de vivre des enfants, la solidarité et l’organisation entre ces
familles dont on ne pourrait jamais deviner l’histoire si difficile. Leur immense
reconnaissance envers Bernadette sans qui leur vie serait aujourd’hui très
différente, et envers Praveena, qui gère au quotidien le fonctionnement de l’association,
témoigne de la réussite de cette association. Admirative du travail effectué et
de l’investissement de Bernadette, je me sens vraiment heureuse d’avoir été
accueillie ici et je participerai à mon tour à la vie de l’association. Dans un
premier temps, c’est mon âme d’animatrice numérique qui reprend le dessus :
au programme, création de comptes Google pour tous les membres du bureau et
mise en place d’un espace partagé sur Google Drive pour leur faciliter la
gestion des dossiers à distance.
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