jeudi 2 janvier 2014

L’épreuve du feu : une journée dans la ville [seule]

Ma première sortie "chaï"
Jusqu’ici, je m’étais toujours promenée en compagnie de Kedar. Un tour à pied dans la ville, une longue balade en voiture sur les pas de sa vie, quelques trajets en scooter pour nous rendre à son bureau. Tout me paraissait donc facile. Ma première sortie seule a consisté à aller chercher du chaï (thé indien succulent à base de thé noir, lait, sucre, cardamome et gingembre), à 50m du bureau sur un trajet que j’avais déjà fait accompagnée. Déjà, lorsque j’ai proposé d’aller chercher des chaï, Kedar, Vikram et Rajendra ont ri en me disant « Ah oui ? Et tu fais comment pour demander du thé à un type qui ne parle pas anglais ? ». Facile ! J’ai appris à compter jusqu’à 10. Nous sommes quatre donc ça fera « djâr chaï ». Rassurés, ils m’ont laissée partir. Le vendeur de chaï était étonné de voir une occidentale ici, mais il m’a bien comprise et m’a servi le thé, sans chercher à m’arnaquer. Il paraît même que le chaï était encore meilleur que d’habitude !

Baptême passé, je propose à Kedar de me laisser autonome le lendemain, et d’en profiter pour passer du temps au bureau. Il accepte, mais s’inquiète de savoir comment je trouverai mon chemin. Je lui demande un plan de la ville et insiste sur le fait que je pense pouvoir me repérer et retrouver la maison. Il me trouve donc un plan, me donne quelques conseils et avertissements, comme celui de ne pas répondre aux commerçants qui veulent me vendre des choses ou aux hommes qui m’abordent.

11h30. Après un long petit-déjeuner, je quitte la maison, mon appareil photo autour du cou. Je pars d’abord remonter la longue artère commerçante de la ville, ou des « bazars » se succèdent, chaque quartier ayant sa spécialité commerçante : épiceries, tissus et vêtements, sculpteurs, bijoutiers, mais aussi fournisseurs de matériel de gros œuvre et autres magasins ultra-spécialisés. Les commerces sont abrités sont les longues arcades des bâtiments roses du XVIIIe, qui valent le nom de « ville rose » à Jaïpur. Sous les arcades encombrées les commerçants lancent chacun leur tour des « allos » pour attirer les nombreux passants qui se croisent dans leurs boutiques. Sur le bord de la route, les piétons slaloment entre vendeurs ambulants installés sur le bord de la route et véhicules qui arrivent par tous les côtés. Le bruit des klaxons mêlés aux appels des commerçants est aussi assourdissant que tonifiant. Les couleurs vives des épices, des étoffes, des fleurs et des fruits ravissent mes yeux d’occidentale.






Vue depuis le temple
Deux passants m’arrêtent successivement pour me conseiller d’aller visiter le temple de l’autre côté de la route, d’où je pourrai embrasser une belle vue sur la ville.
Je suis les instructions de Kedar et répond à peine à ces hommes, mais je décide de suivre leur conseil. Je visite donc mon premier temple accueillie par un indien francophile designer de bijoux. Comme je m’intéresse à son travail, il m’emmène ensuite dans sa boutique d’où je repars avec une paire de boucles d’oreilles après avoir bu un chaï. Je continue mon chemin, et sans le savoir j’emprunte une rue très touristique où les occidentaux sont de vraies proies pour les vendeurs. Je me trouve donc assaillie de « Hello ! Where are you from ? Have a look in my shop ! » que je tente péniblement d’éviter. Là, je réalise que quelqu’un est en train de me parler en français. Interpellée, je m’arrête. C’est un homme grisonnant à la barbe rouge vif. Je discute rapidement avec lui, il me propose de me montrer un magnifique point de vue sur le palais des vents. Contente de ma visite du temple, j’accepte. Je me retrouve alors tout en haut d’un bâtiment où la vue est effectivement imprenable sur le palais. Là nous faisons la connaissance d’un vendeur de bijoux, qui nous prend en photo. 

Le vendeur à la barbe rouge


Vue depuis le toit du 3e point de vue
Après un passage obligé par la boutique du vieil homme d’où je réussis à partir sans acheter (mais après 10 minutes au moins !), je reprends mon chemin. Je tombe alors sur le vendeur de bijoux qui me propose de me montrer un magnifique point de vue sur la ville. Je commence à m’énerver en lui répondant que j’en ai marre qu’on me montre des points de vue pour être forcée à acheter ensuite. Il me répond que j’ai déjà vu sa boutique et qu’il n’a donc rien à me vendre. Contente des deux découvertes précédentes, je le suis. Il m’emmène sur le toit d’une des plus hautes maisons de la ville où la vue est effectivement magnifique. Des singes débarquent et le vendeur prend peur : il sort un bâton et me dit de ne pas m’inquiéter. En réalité, il a l’air bien plus inquiet que moi et me propose de redescendre, ce que j’accepte volontiers. Puis il m’offre un chaï à son tour puis je tente de repartir rapidement voyant qu’il pourrait commence à mal interpréter ma « réceptivité à l’échange », Kedar m’a bien mise en garde sur le sujet.

Le redoutable singe


Excédée par les commerçants racoleurs, je décide d’emprunter une rue transversale, dans laquelle je ne serai ralentie que par un troupeau de vaches que je n’arrive pas à doubler. J’atterris ensuite dans un quartier plus populaire, un quartier d’intouchables, la plus basse des castes indiennes. Et c’est finalement dans ces quartiers qu’on se sent le plus en sécurité et le plus tranquille. Je continue mon chemin au hasard des rues sans perdre mon orientation. Je rentre alors dans un quartier musulman où les femmes portent la burka et où je croise un dromadaire, avant de me retrouver dans une procession d’hommes qui partent prier à la mosquée, qui semble être un joyau architectural mais que je n’aperçois que de loin. Je réalise alors que mon t-shirt à manches courtes est presque indécent et je décide de me couvrir les bras avec mon foulard pour passer plus inaperçue, chose en fait impossible pour un-e occidental-e en Inde.

L'entrée de la mosquée


J’atteins la fin de la vieille ville et me laisse attirer par une ruelle qui monte dans un quartier populaire. Là, je suis assaillie par une bande de jeunes
garçons qui veulent que je les prenne en photo. Ils sont adorables alors j’accepte : ils me suivront alors plusieurs centaines de mètre voulant poser de nouveau à chaque mètre que je parcours. Je ne sais plus comment m’en défaire, lorsque je croise une vieille dame qui me fait signe de la suivre, ce que je fais. Elle m’amène en fait devant chez elle, où elle appelle toutes ses voisines. Les enfants sont encore là. J’ai devant moi une explosion de cris de joie et de couleurs, les femmes s’exclament en hindi et me demandent des choses que je ne comprends pas. Je prends de nombreux clichés, que je leur montre, touchée par leur joie de vivre, mais inquiète de trop de proximité avec ces femmes et enfants qui attirent les mouches par leur saleté et donc surement couvertes de poux.





A l’extrémité Est de la ville
Je finis par réussir à partir, plus tout à fait sure de mon chemin avec ces rues qui serpentent et les enfants qui continuent à me courir après en me disant des choses en hindi que je ne comprends pas. Mais je continue à me fier à mon sens de l’orientation, qui me conduira bien où je le souhaitais : à l’extrémité Est de la ville. Je traverse un quartier résidentiel, puis un quartier commerçant à l’écart du brouhaha avant de retomber comme je le souhaitais sur le bazar. Je commence à avoir bien soif, mais il me faut passer aux toilettes avant de pouvoir me réhydrater. Je me demande alors : comment puis-je faire, femme, au milieu d’une ville indienne, pour trouver des toilettes ? Je pars donc à la recherche d’une Guest house (sorte de chambre d’hôtes), d’un hôtel ou un resto. Cette recherche me conduira bien loin, jusqu’à ce qu’il me devienne très difficile de chercher encore. Désespérée, j’allais me rendre à la Croix Rouge lorsque j’aperçois que sur une petite maison qui sert de rond-point, il est inscrit « Toilet complex ». Il s’agissait bien de toilettes publiques. 10 roupies l’entrée : ce n’est vraiment pas donné, mais pour moi c’est l’équivalent de 12 centimes, et les toilettes, bien qu’à la turque et minuscules, sont propres.

Les toilettes tant attendus

Un chaï bien mérité
16h. Je me pose pour boire un chaï. A 5 roupies (6 centimes) la tasse, c’est mon plaisir quotidien ! Je reprends ma route, et passe devant de grandes allées qui conduisent jusqu’à un magnifique monument de style colonial. Les allées ont un air de promenade maritime de la côte d’Azur, mais dans une version « abandonnée » : elles sont jonchées de déchets et les espaces verts sont davantage investis par les animaux qu’entretenus par la ville. Je croise une famille qui me demande une photo : cette fois ils ne veulent pas que je les prenne, mais ils veulent me photographier avec eux. J’accepte, ils sont heureux, ça m’amuse. En rentrant vers la maison, je longe une rue où des gitans ont pris possession des « trottoirs » : les plus pauvres habitants de la ville sont les gitans, qui n’ont pas de maison fixe. Mais si l’on compare la situation des gitans en Inde avec celle des gens du voyage en occident, je ne pense pas que les nomades indiens soient plus miséreux.



La nuit tombe, et je rentre de cette folle journée des souvenirs plein la tête, fière d’avoir retrouvé mon chemin sans l’aide de quiconque ni même d’un plan et avec le sentiment de maîtriser un peu mieux les codes et les subtilités de la vie en Inde.





5 commentaires:

  1. 5 roupies le chaï, 10 roupies le pipi, va falloir arrêter d'en boire 10 par jour! ;-)

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    1. Héhé oui mais pas tant pour l'argent que pour la quantité de sucre qu'ils mettent dans une tasse ;)

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  2. Eres muy aventurera, ten cuidado! espero que tus padres no lean el blog...van a pasarlo mal! jajaja Bonitas fotos :)

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  3. Que de belles couleurs! On en sentirait presque l'odeur des épices... Je vois que tu te lâches, mais vas y tout doux quand même!!! Continue de bien écouter Kédar:-) et d'être prudente!
    Gros bisous ma puce et à bientôt te lire!

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  4. ça donne trop envie ! on a presque l'impression d'y être... et ça me donne envie de revoyager...
    profite bien !!!

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