Ma première sortie "chaï" |
Jusqu’ici, je m’étais toujours promenée en compagnie de
Kedar. Un tour à pied dans la ville, une longue balade en voiture sur les pas
de sa vie, quelques trajets en scooter pour nous rendre à son bureau. Tout me
paraissait donc facile. Ma première sortie seule a consisté à aller chercher du
chaï (thé indien succulent à base de thé noir, lait, sucre, cardamome et gingembre),
à 50m du bureau sur un trajet que j’avais déjà fait accompagnée. Déjà, lorsque
j’ai proposé d’aller chercher des chaï, Kedar, Vikram et Rajendra ont ri en me
disant « Ah oui ? Et tu fais comment pour demander du thé à un type
qui ne parle pas anglais ? ». Facile ! J’ai appris à compter
jusqu’à 10. Nous sommes quatre donc ça fera « djâr chaï ». Rassurés,
ils m’ont laissée partir. Le vendeur de chaï était étonné de voir une
occidentale ici, mais il m’a bien comprise et m’a servi le thé, sans chercher à
m’arnaquer. Il paraît même que le chaï était encore meilleur que
d’habitude !
Baptême passé, je propose à Kedar de me laisser autonome le
lendemain, et d’en profiter pour passer du temps au bureau. Il accepte, mais
s’inquiète de savoir comment je trouverai mon chemin. Je lui demande un plan de
la ville et insiste sur le fait que je pense pouvoir me repérer et retrouver la
maison. Il me trouve donc un plan, me donne quelques conseils et
avertissements, comme celui de ne pas répondre aux commerçants qui veulent me
vendre des choses ou aux hommes qui m’abordent.
11h30. Après un long petit-déjeuner, je quitte la maison,
mon appareil photo autour du cou. Je pars d’abord remonter la longue artère
commerçante de la ville, ou des « bazars » se succèdent, chaque
quartier ayant sa spécialité commerçante : épiceries, tissus et vêtements,
sculpteurs, bijoutiers, mais aussi fournisseurs de matériel de gros œuvre et
autres magasins ultra-spécialisés. Les commerces sont abrités sont les longues
arcades des bâtiments roses du XVIIIe, qui valent le nom de « ville
rose » à Jaïpur. Sous les arcades encombrées les commerçants lancent
chacun leur tour des « allos » pour attirer les nombreux passants qui
se croisent dans leurs boutiques. Sur le bord de la route, les piétons
slaloment entre vendeurs ambulants installés sur le bord de la route et
véhicules qui arrivent par tous les côtés. Le bruit des klaxons mêlés aux
appels des commerçants est aussi assourdissant que tonifiant. Les couleurs
vives des épices, des étoffes, des fleurs et des fruits ravissent mes yeux
d’occidentale.
Vue depuis le temple |
Deux passants m’arrêtent successivement pour me conseiller
d’aller visiter le temple de l’autre côté de la route, d’où je pourrai
embrasser une belle vue sur la ville.
Je suis les instructions de Kedar et
répond à peine à ces hommes, mais je décide de suivre leur conseil. Je visite
donc mon premier temple accueillie par un indien francophile designer de
bijoux. Comme je m’intéresse à son travail, il m’emmène ensuite dans sa
boutique d’où je repars avec une paire de boucles d’oreilles après avoir bu un
chaï. Je continue mon chemin, et sans le savoir j’emprunte une rue très
touristique où les occidentaux sont de vraies proies pour les vendeurs. Je me
trouve donc assaillie de « Hello ! Where are you from ?
Have a look in my shop ! » que je tente péniblement d’éviter. Là, je
réalise que quelqu’un est en train de me parler en français. Interpellée, je
m’arrête. C’est un homme grisonnant à la barbe rouge vif. Je discute rapidement
avec lui, il me propose de me montrer un magnifique point de vue sur le palais
des vents. Contente de ma visite du temple, j’accepte. Je me retrouve alors
tout en haut d’un bâtiment où la vue est effectivement imprenable sur le
palais. Là nous faisons la connaissance d’un vendeur de bijoux, qui nous prend
en photo. Le vendeur à la barbe rouge |
Vue depuis le toit du 3e point de vue |
Après un passage obligé par la boutique du vieil homme d’où je
réussis à partir sans acheter (mais après 10 minutes au moins !), je
reprends mon chemin. Je tombe alors sur le vendeur de bijoux qui me propose de
me montrer un magnifique point de vue sur la ville. Je commence à m’énerver en
lui répondant que j’en ai marre qu’on me montre des points de vue pour être
forcée à acheter ensuite. Il me répond que j’ai déjà vu sa boutique et qu’il
n’a donc rien à me vendre. Contente des deux découvertes précédentes, je le
suis. Il m’emmène sur le toit d’une des plus hautes maisons de la ville où la
vue est effectivement magnifique. Des singes débarquent et le vendeur prend
peur : il sort un bâton et me dit de ne pas m’inquiéter. En réalité, il a
l’air bien plus inquiet que moi et me propose de redescendre, ce que j’accepte
volontiers. Puis il m’offre un chaï à son tour puis je tente de repartir
rapidement voyant qu’il pourrait commence à mal interpréter ma
« réceptivité à l’échange », Kedar m’a bien mise en garde sur le
sujet.
Le redoutable singe |
Excédée par les commerçants racoleurs, je décide d’emprunter
une rue transversale, dans laquelle je ne serai ralentie que par un troupeau de
vaches que je n’arrive pas à doubler. J’atterris ensuite dans un quartier plus
populaire, un quartier d’intouchables, la plus basse des castes indiennes. Et
c’est finalement dans ces quartiers qu’on se sent le plus en sécurité et le
plus tranquille. Je continue mon chemin au hasard des rues sans perdre mon
orientation. Je rentre alors dans un quartier musulman où les femmes portent la
burka et où je croise un dromadaire, avant de me retrouver dans une procession
d’hommes qui partent prier à la mosquée, qui semble être un joyau architectural
mais que je n’aperçois que de loin. Je réalise alors que mon t-shirt à manches
courtes est presque indécent et je décide de me couvrir les bras avec mon
foulard pour passer plus inaperçue, chose en fait impossible pour un-e
occidental-e en Inde.
L'entrée de la mosquée |
J’atteins la fin de la vieille ville et me laisse attirer
par une ruelle qui monte dans un quartier populaire. Là, je suis assaillie par
une bande de jeunes
garçons qui veulent que je les prenne en photo. Ils sont
adorables alors j’accepte : ils me suivront alors plusieurs centaines de
mètre voulant poser de nouveau à chaque mètre que je parcours. Je ne sais plus
comment m’en défaire, lorsque je croise une vieille dame qui me fait signe de
la suivre, ce que je fais. Elle m’amène en fait devant chez elle, où elle
appelle toutes ses voisines. Les enfants sont encore là. J’ai devant moi une
explosion de cris de joie et de couleurs, les femmes s’exclament en hindi et me
demandent des choses que je ne comprends pas. Je prends de nombreux clichés,
que je leur montre, touchée par leur joie de vivre, mais inquiète de trop de
proximité avec ces femmes et enfants qui attirent les mouches par leur saleté
et donc surement couvertes de poux. A l’extrémité Est de la ville |
Je finis par réussir à partir, plus tout à fait sure de mon
chemin avec ces rues qui serpentent et les enfants qui continuent à me courir
après en me disant des choses en hindi que je ne comprends pas. Mais je
continue à me fier à mon sens de l’orientation, qui me conduira bien où je le
souhaitais : à l’extrémité Est de la ville. Je traverse un quartier
résidentiel, puis un quartier commerçant à l’écart du brouhaha avant de
retomber comme je le souhaitais sur le bazar. Je commence à avoir bien soif,
mais il me faut passer aux toilettes avant de pouvoir me réhydrater. Je me
demande alors : comment puis-je faire, femme, au milieu d’une ville
indienne, pour trouver des toilettes ? Je pars donc à la recherche d’une
Guest house (sorte de chambre d’hôtes), d’un hôtel ou un resto. Cette recherche
me conduira bien loin, jusqu’à ce qu’il me devienne très difficile de chercher
encore. Désespérée, j’allais me rendre à la Croix Rouge lorsque j’aperçois que
sur une petite maison qui sert de rond-point, il est inscrit « Toilet
complex ». Il s’agissait bien de toilettes publiques. 10 roupies
l’entrée : ce n’est vraiment pas donné, mais pour moi c’est l’équivalent
de 12 centimes, et les toilettes, bien qu’à la turque et minuscules, sont
propres.
Les toilettes tant attendus |
Un chaï bien mérité |
16h. Je me pose pour boire un chaï. A 5 roupies (6 centimes) la tasse,
c’est mon plaisir quotidien ! Je reprends ma route, et passe devant de
grandes allées qui conduisent jusqu’à un magnifique monument de style colonial.
Les allées ont un air de promenade maritime de la côte d’Azur, mais dans une
version « abandonnée » : elles sont jonchées de déchets et les espaces
verts sont davantage investis par les animaux qu’entretenus par la ville. Je
croise une famille qui me demande une photo : cette fois ils ne veulent
pas que je les prenne, mais ils veulent me photographier avec eux. J’accepte,
ils sont heureux, ça m’amuse. En rentrant vers la maison, je longe une rue où
des gitans ont pris possession des « trottoirs » : les plus
pauvres habitants de la ville sont les gitans, qui n’ont pas de maison fixe.
Mais si l’on compare la situation des gitans en Inde avec celle des gens du
voyage en occident, je ne pense pas que les nomades indiens soient plus
miséreux.
La nuit tombe, et je rentre de cette folle journée des
souvenirs plein la tête, fière d’avoir retrouvé mon chemin sans l’aide de
quiconque ni même d’un plan et avec le sentiment de maîtriser un peu mieux les
codes et les subtilités de la vie en Inde.
5 roupies le chaï, 10 roupies le pipi, va falloir arrêter d'en boire 10 par jour! ;-)
RépondreSupprimerHéhé oui mais pas tant pour l'argent que pour la quantité de sucre qu'ils mettent dans une tasse ;)
SupprimerEres muy aventurera, ten cuidado! espero que tus padres no lean el blog...van a pasarlo mal! jajaja Bonitas fotos :)
RépondreSupprimerQue de belles couleurs! On en sentirait presque l'odeur des épices... Je vois que tu te lâches, mais vas y tout doux quand même!!! Continue de bien écouter Kédar:-) et d'être prudente!
RépondreSupprimerGros bisous ma puce et à bientôt te lire!
ça donne trop envie ! on a presque l'impression d'y être... et ça me donne envie de revoyager...
RépondreSupprimerprofite bien !!!