dimanche 12 janvier 2014

Des années 40 à 2014

Gare d'Ahmenabad au petit matin
Enfin dans le train de nuit pour Ahmedabad, je quitteUdaipur avec un sentiment de soulagement. J’entre dans ma cabine, où je rencontre ma voisine, une indienne de 70 ans exilée aux Etats-Unis depuis 50 ans, avec qui nous discuterons un long moment. La cabine est assez semblable à celle d’un train de nuit français. J’avais été davantage surprise dans le train de Jaipur à Udaipur, où bien que les sièges étaient confortables et qu’il y avait un espace de rangement suffisant pour les bagages, le wagon avait complètement l’allure d’un train d’après-guerre. Le confort ne manquait pas, mais l’apparence intérieure comme extérieure me faisait vraiment penser à celles des trains que l’on peut voir dans les films des années 40. Cela donne une certaine impression d’anachronisme : je me sens transportée 70 ans en arrière alors qu’à côté de moi mon voisin sort le dernier Samsung Galaxy.



Après bientôt deux semaines passées en Inde, je réalise que ce contraste entre tradition et technologie est particulièrement frappant dans le pays. Les femmes sont vêtues avec des tenues tout à fait traditionnelles qu’on ne trouve dans aucun autre pays, quelques soient leur âge ou la taille de la ville. Les hommes ont un style beaucoup plus « occidental », mais à la mode des années 80, tout comme l’esthétique des décorations d’intérieur. Rares sont les foyers à être équipés d’Internet, mais énormément d’indiens possèdent smartphone connecté à la 3G. Dans une même rue, des voitures climatisées doublent un homme qui tracte une charrette, un bus croise une vache, un scooter freine pour laisser passer un tricycle transporteur de voyageurs (le fameux tuk-tuk). Dans une même ville, un forgeron tape son fer assis sur le sol en terre battue de la rue à deux pas des cochons et des vaches qui se disputent un tas de déchets, tandis que des hommes en costard, quelques kilomètres plus loin, rejoignent leurs bureaux climatisés pour négocier un contrat avec un partenaire étranger en visio-conférence.



A quelques kilomètres des rues où se succèdent petits commerçants et étalages de légumes des femmes des campagnes venues vendre leur production, s’élèvent de grands bâtiments qui abritent des centres commerciaux. A l’intérieur, des enseignes internationales affichent leurs vitrines et discrets sont les indices qui permettent de savoir si l’on se trouve en Europe, en Amérique du Nord ou en Inde.

Ma visite d’Ahmedabad fut l’archétype de ce constat. A la recherche d’un office de tourisme et d’un bureau de change, je me retrouve à traverser une grande rivière dont les quais aménagés et luisant de propreté ne sont rien de tout ce que j’ai pu voir jusqu’à présent. De l’autre côté de la rivière, je découvre une ville aux artères larges et presque entièrement bordés de trottoirs. De hauts immeubles accueillent les institutions régionales, banques et grandes enseignes. Alors que je cherche désespérément un lieu pour changer mes derniers euros en roupies, une petite mendiante m’agrippe et me suit sur plusieurs mètres. Je sais qu’il n’est pas bon de donner de l’argent aux enfants qui mendient dans la rue, car il y a peu de chance que l’argent leur revienne et parce-que cela entretient un système d’assistanat où les plus riches, notamment « les blancs », donnent de l’argent sans que celui-ci ne puisse résoudre quelconque problème de pauvreté. Si cette misère nous attriste, il est bien préférable de faire des dons à une association dont les fonds seront utilisés à bon escient, en faveur de l’éducation des enfants par exemple. Je résiste donc malgré moi, alors l’enfant finit par lâcher prise avant qu’un autre petit garçon ne vienne et soit encore plus insistant. Je décide d’aller lui acheter un paquet de gâteaux. Au magasin d’en face, l’enfant parle au commerçant. Je lui demande ce qu’il lui demande : de me vendre quelque-chose à 50 roupies (ce qui est une valeur énorme pour un enfant). Je refuse et lui offre un paquet à 5 roupies.





Je finis par quitter ce quartier moderne, avant de regagner le cœur historique de la ville. Je me retrouve dans un immense marché de vêtements et autres accessoires, de contrefaçon notamment. J’ai lu dans mon guide qu’Ahmedabad est une ville qui vit en grande partie sur l’industrie textile. J’en conclue que de grandes marques doivent avoir leurs usines de fabrication ici, d’où la profusion de ces articles de contrefaçon. Je continue mon chemin et arrive dans un quartier musulman à l’heure du marché. Les moutons découpés qui pendent forment une haie d’honneur dans cette rue aux allures moyenâgeuses et à l’odeur nauséabonde de la viande qui gît au soleil.



Je quitte rapidement l’endroit et rejoins un marché aux légumes bien plus agréable à traverser, tant pour les couleurs que pour les odeurs, puis me laisse entraîner au fil des rues de cette ville ancienne, dont les maisons ont un style architectural qui ne ressemble pas à ce que j’ai pu voir jusque-là. Je continue, sans plan, à la recherche d’un parc que j’ai pris le temps de situer sur Internet avant de quitter l’hôtel. Après une heure de marche dans la bonne direction, j’atteins un quartier résidentiel propre et assez vert, qui me conduira à l’entrée de ce parc. Un enfant qui mendie m’arrache la glace que j’ai dans les mains. Je découvre qu’il faut payer 10 roupies et se faire fouiller pour entrer dans ce parc. La dame, particulièrement peu sympathique, me « confisque » un paquet de chewing-gum, qui atterrit directement dans son sac à main… Enervée, je décide de profiter tout de même de cette promenade au bord de l’eau et au soleil, dans cet environnement aseptisé, comme jamais je n’aurais pensé trouver en Inde. Le style vestimentaire des visiteurs et leur équipement en téléphonie mobile en dit long sur leur classe sociale.


Enfants des rues

Jeunes filles au parc




En retournant à l’hôtel, je tomberai de nouveau sur des enfants des rues et traverserai les trottoirs bordés d’animaux et les familles qui vivent dans de petites habitations précaires, heureux que je leur offre la carotte qu’une commerçante m’a elle-même offerte sur le marché…



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